Personne, à Freedom Park, ne prononce jamais le mot "prostitution". Pourtant, dans cet immense bidonville, ce "camp de squatteurs" selon la terminologie locale, des centaines de femmes se vendent pour trois fois rien. Les clients, pudiquement appelés "boyfriends", petits amis d'une heure, d'une nuit ou d'un mois, sont des mineurs d'Impala Platinium, l'un des plus grandes mines de platine du pays. La mine, situé dans la Northern Province, à quelque 200 km au nord de Johannesburg, a attiré des milliers de ruraux, venant de toute l'Afrique du Sud et des pays voisins. Aujourd'hui, à Freedom Park, il y a environ 5 000 " shacks", des baraques de tôles alignées à perte de vue, peintes en rouge vif, jaune ou bleu, des couleurs pour cacher la misère.
La plupart des 20 000 habitants du bidonville sont sans emploi. Ici, il y a quelques hommes, en attente d'un job à la mine, et des femmes vivant de la "générosité" des mineurs. Les liaisons ne sont jamais qu'éphémères. Le mineur cherche une femme pour une heure, une soirée, parfois pour plus longtemps, mais un jour il repart dans son village, laissant derrière lui ses amours illégitimes. Environ 40 % des femmes de Freedom park sont séropositives.
Boniwe avait un "boyfriend", qui veillait sur elle depuis plusieurs années. Quand il est mort, sa femme est venue vider la maison. Dans son shack, il n'y a plus rien qu'un lit, une petite table et quelques écuelles. Elle vit là avec ses quatre enfants, parmi lesquels des jumeaux de 11 mois. L'un des deux est séropositif. Comme plus de 500 personnes, essentiellement des femmes, Boniwe a pu avoir accès à un traitement gratuit dans la clinique du bidonville. Mais ce matin, elle n'a pas pris ses médicaments. "Je n'avais rien à manger. Et on peut pas les prendre le ventre vide", explique-t-elle.
La clinique, qui existe grâce à des dons privés et à un fonds américain, a été créée par l'association Tapologo de Mgr Kevin Dowlings, archevêque de Rustenburg, la grande ville voisine. Il est le seul évêque catholique du pays à avoir préconisé publiquement l'usage du préservatif.
PAS D'EAU COURANTE
Selina a été l'une des premières à bénéficier de la distribution d'antirétroviraux. "Avant, c'était facile de trouver un boyfriend capable de payer jusqu'à 1000 rands (125 euros) pour une passe. Les types qui étaient virés avec une prime, ou les retraités, ils dépensaient beaucoup d'argent avant de retourner chez eux. Maintenant, tu peux difficilement avoir plus de 100 rands (12,5 euros)", explique-t-elle. "Et si tu demandes qu'ils portent un préservatif, c'est moins encore", poursuit-elle. En réalité, la passe se négocie souvent à 20 rands, à peine 2,50 euros.
Il n'y a rien ici, pas d'eau courante, pas de robinet public. Des camions passent chaque jour pour vendre de l'eau. Pourtant, il y a des citernes un peu partout. "Ils viennent les remplir avant les élections : après, c'est fini", raconte Batsesana, qui dirige l'équipe de bénévoles.
Tout, ici, est provisoire. Même la clinique, faite de quelques containers, est prête à être déplacée. Les Sud-Africains peuvent prétendre à l'une des petites maisons que l'Etat bâtit non loin de là. Les étrangers, eux, n'ont droit à rien. A terme, l'objectif de la municipalité est de raser Freedom Park, d'effacer à coups de bulldozer la misère et ses prostituées.
Nota: su un tema parallelo, in Eddyburg l'articolo sul rinnovo urbano" in Zimbabwe